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A l'occasion de l'anniversaire de la librairie en 2019, nous avons édité et offert un livre de souvenirs. Voici donc les meilleurs moments de rencontres de nos dix premières années...
Eugène Ébodé – Souveraine Magnifique – Gallimard
20 novembre 2014
C’est avec la parution de La Rose dans le bus jaune en 2013 que nous avons rencontré Eugène Ébodé pour la première fois. Il s’agissait d’un récit biographique sur Rosa Parks, restée dans la mémoire collective comme celle qui a déclenché la révolte des Noirs américains dans leur combat pour l’égalité en 1955 – et dont le chef de fil sera Martin Luther King – en refusant de céder sa place à un homme blanc dans un bus de Montgomery. En s’approchant au plus près de l’ordinaire du personnage, Eugène Ébodé tentait de montrer que ce que nous interprétons comme un geste révolutionnaire était au départ un geste de lassitude dont Rosa Parks a tout de suite compris l’ampleur symbolique dont il faisait l’objet. Entre histoire et fable, ce livre révélait tout l’univers littéraire d’Eugène Ébodé et nous avons réitéré, un an après, une soirée autour du roman suivant, Souveraine Magnifique. À nouveau, le roman conte la trajectoire d’une femme ordinaire et puissante dans le contexte tragique du génocide rwandais. Ébodé relate surtout les tribunaux populaires que le pays a organisés pendant des années afin de tenter de rendre justice à chacun. Souveraine Magnifique présentée comme une personne réelle mais dont on ne sera finalement pas assuré de l’existence, fonctionne également en symbole d’un peuple entier. À travers elle, il s’agit de dire l’épouvantable massacre, l’exil des survivants, puis la « réconciliation » mais aussi la « réparation » que la sagesse des anciens tente de mettre en œuvre. Retrouvant son pays et les biens de ses parents, victimes du voisin assassin, Souveraine Magnifique devra co-gérer avec le bourreau de ceux-ci une vache et les fruits de sa production de lait.
La singularité d’Eugène Ébodé tient dans la façon dont il conte l’histoire au moyen d’une langue riche et soignée. Frôlant sans cesse la fable, il donne une dimension universelle à ses récits qu’il sait développer remarquablement à l’oral en choisissant très précisément son vocabulaire. Il en résulte une vraie douceur et un appétit d’échanges. Pas de mots en trop, pas de banalités, pas d’idées préconçues, mais un véritable voyage à travers l’histoire des peuples, leurs combats, leurs victoires sur la violence et toutes les leçons à en tirer.