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A l'occasion de l'anniversaire de la librairie en 2019, nous avons édité et offert un livre de souvenirs. Voici donc les meilleurs moments de rencontres de nos dix premières années...
Frédéric Richaud – Luc Dietrich – Grasset
28 octobre 2011
En parcourant les fiches argumentaires des éditions Grasset de la rentrée littéraire 2011, je m’arrête sur une photo qui m’est à la fois familière et qui surgit du passé : au beau milieu d’une campagne sans relief la silhouette malingre et élancée d’un auteur des années trente qui m’a longtemps fasciné : Luc Dietrich. En regardant de plus près, je constate qu’il ne s’agit pas d’une nouvelle édition d’un de ses romans ou recueils mais bel et bien d’une biographie. L’auteur de cette biographie s’appelle Frédéric Richaud. J’associe immédiatement ce nom à un cahier consacré à Luc Dietrich paru en son temps aux éditions du Temps qu’il fait, dernières détentrices des droits des deux romans les plus connus de Dietrich. Ce livre devient immédiatement l’une de mes priorités de lecture pour cette rentrée, même si je sais d’avance que ce sera un livre dont on parlera très peu. Ma bonne connaissance de l’œuvre de Luc Dietrich et cette fascination qu’il continue à exercer sur certains lecteurs font que cette biographie me remplit d’excitation à l’idée d’apprendre de nouvelles choses sur ce destin hors du commun. Je décide donc de contacter Frédéric Richaud via la maison d’édition car l’argumentaire stipule qu’il publie là un travail qui aura duré vingt ans. À cette occasion, un surprenant malentendu avec un type de chez Grasset, qui croit que j’appelle pour me mettre en contact avec Sorj Chalandon dont le Retour à Killybegs sort en même temps (cet épisode me servira deux ans plus tard), et me voici donc en relation avec Frédéric Richaud. Le rendez-vous est pris pour une soirée le 28 octobre.
Né à la veille de la Première Guerre mondiale, Luc Dietrich, dont les parents sont tous deux toxicomanes, va mener une vie d’abandon et de délinquance. Sa rencontre fortuite avec Lanza del Vasto va révéler une incroyable sensibilité qui le mènera jusqu’à la publication de son premier roman largement autobiographique, Le Bonheur des tristes, qui frôlera le prix Goncourt en 1936. S’ensuivra un deuxième volet de sa vie d’adulte cette fois : L’Apprentissage de la ville. Dietrich meurt des suites d’une blessure lors d’un bombardement sur le front en 1944, à trente et un ans.Frédéric Richaud est l’arrière-petit-cousin de Dietrich. Très vite intrigué par ce personnage tenu secret de la part de sa famille, il tente de rassembler son patrimoine disséminé par une vie d’errance. Par ce travail qui lui aura pris vingt ans de sa vie, il dit savoir exactement ce qu’a vécu Luc Dietrich chaque jour de ses trente et un ans d’existence. Il dit aussi que souvent, lassé ou découragé par l’ampleur de ses recherches, il a senti comme une présence qui lui disait : « Allez, occupe-toi de moi ! » Par sa vie brève mais extrêmement dense, par sa dépendance aux autres, par ses excès et ses démons, Luc Dietrich fait partie des auteurs qui garderont toujours une part de mystère, même si on ne cesse de les lire et relire. Frédéric Richaud, avec sa biographie fluide et très amplement documentée, aura tenté de le cerner totalement et de percer ce mystère. Les biographies sont – et continueront à être – très rares pour ce personnage presque oublié de la littérature et celle-ci fut une belle – et sûrement unique – occasion de le remettre entre les mains des lecteurs.