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En installant un stand de livres au coeur du festival de l’Arpenteur, dirigé par Antoine Choplin en juillet 2011, j’ai la bonne surprise de retrouver la Cie lyonnaise Turak, une compagnie dont le travail très poétique, conçu à partir de la récupération d’objets m’a souvent touché (j’en ai même été un fervent fan, avouons-le !). Émili et Michel qui dirigent ensemble cette compagnie viennent de s’installer dans le village où a lieu le festival auquel je vais participer durant cinq belles années. De ces retrouvailles inattendues, se retissent spontanément des liens d’amitié avec la promesse de nous revoir au moins une fois par an.

L’univers du Turak théâtre s’est inventé au fil des ans sur la mythologie bricolée d’un pays imaginaire, la Turakie. Au fil des spectacles, Michel Laubu s’est emparé de ce pays pour rendre absurdement lisibles les drames et les incertitudes de notre propre monde. La Turakie existe en géographie verticale. Elle n’apparaît donc pas sur les cartes. Elle a vécu des périodes fastes et d’autres moins, comme par exemple la fuite des robinets vers un avenir incertain ou le traité du sentiment pingouin. Ce travail artistique qui approche les trente ans est une accumulation vertigineuse d’histoires inventées et de créationsà partir d’objets recyclés. Les spectacles du Turak se sont succédé et, magie du spectacle vivant, il n’en reste aucune trace vraiment accessible.

Michel, Émili et moi nous posons la question de l’édition d’un livre-somme à l’occasion des trente ans de la compagnie. Je suggère de rencontrer les éditions Fage qui relèvent le défi en nous en indiquant le cadre et les contraintes (ce qui est presque un comble quand on sait que Chewbacca, le chien de notre éditrice, a mangé tous les lego du Turak). L’été d’après, nous entamons de gigantesques fouilles archéologiques (terme presque consacré du vocabulaire turak) dans l’histoire et les vestiges de la Turakie comme de la compagnie. Nous décidons de ne pas lui donner une forme chronologique mais plutôt anthropologique et civilisationnelle. Travailler ensemble dans un tel univers et avec un tel matériau nous procure des moments d’une poésie insoupçonnée (j’aurais été curieux de révéler quelques-unes de nos conversations, nous avons sûrement frôlé l’internement!) et je réalise qu’ils vivent probablement ça quotidiennement…

Enfin, en septembre 2015, le livre est baptisé par Michel Laubu En Cyclo-Pédie qui, comme son nom l’indique, peut se parcourir à vélo ou à pied. Nous fêtons sa sortie à la librairie en décembre en même temps que la nouvelle création du Turak, Carmen en Turakie, est jouée comme spectacle de fin d’année au Théâtre des Célestins.